lundi 21 février 2022

Interview choc et sans filtre - Christophe Gironde (libraire, Nos Racines d'Auvergne)


 Je n’ai plus de temps à perdre 
avec ceux qui « jouent aux auteurs ».


Quel est l’historique de la librairie ?

Nous avons ouvert le 2 mai 2010. A l’époque, le but était de proposer une librairie régionaliste couplée à une librairie généalogique.

Vers 2015, nous avons progressivement évolué vers une volonté de promouvoir les « littératures en Auvergne ». Il s’agissait de valoriser autant les littératures sur l’Auvergne que les auteurs de la région écrivant sur des sujets plus généralistes.

Ainsi, la partie « généalogie » s’est peu à peu et progressivement estompée.

Pour autant, nous avons souhaité conserver une constante, celle des rencontres-dédicaces. En 12 ans, nous avons organisé plus de 700 rencontres/dédicaces.

La volonté première a toujours été de créer un lien entre le lecteur et l’auteur en valorisant tous les auteurs quelque soit leur mode d’édition (autoédition, compte d’auteur, compte d’éditeur) et leur qualité éditoriale. 

Tous les auteurs ont toujours été reçus et accueillis avec la même considération qu’ils soient connus ou non. Ainsi, la librairie était la photographie d’une époque pour une région riche en culture, en patrimoine et en histoire.

Le quotidien « La Montagne » nous suit depuis une dizaine d’années en proposant aux auteurs invités des interviews leur permettant de présenter leur ouvrage au lectorat.

En parallèle, nous avons organisé plus de 80 expositions mettant en valeur des artistes locaux mais cette activité a peu à peu pris fin, faute de temps et de place.

Comme tant d’autres entreprises, nous avons connu un ralentissement dû à la crise sanitaire ce qui nous a empêché de fêter les 10 ans de la librairie en 2020.


Justement, quel impact a eu la crise sanitaire sur l’activité de la librairie ?

La crise sanitaire a engendré une réflexion sur le travail de dix ans ainsi qu’une rétrospective sur notre histoire. Elle a également provoqué un souci de faire évoluer la librairie et son image aux yeux du public. Il s’agissait d’étudier comment évoluer tout en nous imposant une remise en question sur ce qui était à conserver, à changer et/ou à supprimer dans notre activité.

En avril 2021, la librairie a proposé dans son planning tout un mois consacré aux jeunes auteurs dans le cadre des dédicaces. Un point de rupture qui nous a conduit en septembre à faire le choix de mettre en avant les jeunes auteurs (moins de 30 ans) tant dans le planning des dédicaces que dans les rayonnages de la librairie.

En effet, un constat a été fait avec la crise selon lequel, avant, jusqu’à la fin des années 2010, le profil des auteurs en région correspondait essentiellement à des hommes de plus de 70 ans davantage ancrés dans un créneau de littérature de terroir. Depuis 5 ans environ, un phénomène nouveau a vu le jour avec une nouvelle génération d’auteurs, plus nombreux qu’avant et comprenant une majorité de femmes plus jeunes et prenant part aux littératures de l’imaginaire.

Parmi ces jeunes auteurs, nous pouvons notamment citer Simon Berger publié chez Gallimard, Arthur Nesnidal publié chez Julliard ou encore Cécile Coulon publiée chez L’iconoclaste. Ils sont en partie les nouveaux auteurs emblématiques de la littérature blanche édités dans des maisons d’édition importantes et nationales.

La librairie souhaite donc s’adapter à cette évolution notable et, en tant que libraire, je suis heureux de ce tournant. Le but n’est pas de dénigrer le terroir faisant intégralement partie du paysage éditorial français mais de promouvoir une génération de nouveaux auteurs. Cette génération amènera donc une continuité au sein de la littérature en région, cette génération montante apportant un vrai avenir pour la littérature en Auvergne.

Tout en ayant à coeur de poursuivre l’idée d’une valorisation d’un territoire, nous souhaitons dépoussiérer l’image de la province par rapport au regard parisien.

L’image de la librairie a su changer/évoluer tout en préservant le cadre convivial d’une librairie accueillante tout en apportant une image plus moderne en renouvelant le mobilier et en réorganisant l’agencement de la structure.


Quel avenir envisagez-vous pour la librairie ?

Nous souhaitons continuer à modifier l’agencement de la librairie dans l’objectif de rendre le lieu encore plus convivial et dans un esprit cocooning.

Concernant les auteurs, nous avons fait le constat que la marque de fabrique de la librairie est intimement liée aux dédicaces hebdomadaires attendues et reconnues. Pour preuve, sur environ 40 dates possibles par an, plus de 200 demandes sont faites soit par les auteurs eux-mêmes soit par leurs éditeurs. Nous sommes donc aujourd’hui dans l’obligation de faire des choix, une situation nouvelle mais allant en s’accroissant. Celle-ci se couple avec l’idée de professionnaliser le traitement des demandes et de modifier les critères de sélection des auteurs. En ce sens qu’il y a de plus en plus d’auteurs, nous avons aujourd’hui la possibilité de faire une sélection plus drastique parmi les auteurs que nous souhaitons accueillir afin de proposer aux lecteurs un choix de plus en plus qualitatif.

La notoriété de la librairie s’est accrue ces dernières années notamment grâce aux prix littéraires rattachés qui ont su évoluer et s’adapter à cette nouvelle génération d’auteurs mais également grâce aux conférences que je mène sur Clermont-Ferrand et qui attirent un public de plus en plus important.

La couverture médiatique de la librairie s’est elle aussi décuplée par le biais du quotidien La Montagne et de la presse régionale.


Une phrase pour résumer cette évolution ?

En tant que professionnel, je n’ai plus de temps à perdre avec ceux qui « jouent aux auteurs » et préfère désormais consacrer mon temps et mon énergie aux écrivains méritants tant d’un point de vue littéraire que d’un point de vue humain.

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