samedi 8 février 2020

Memento mori - Jean Vigne



Infos sur le livre

éditions : Le Chat Noir
date de publication : 02-06-2014
pages : 308
prix : 19,90€

Résumé éditeur

 Après avoir fait le mur pour aller à un rendez-vous nocturne, Néa, 15 ans, se réveille à demi-embourbée dans les marais locaux. Sur le chemin du retour, l'esprit embrumé, elle tente de rassembler des souvenirs qui lui échappent. D'autant plus qu'une fois chez elle, ses parents, sous le choc, lui apprennent que son absence a en fait duré plus de cinq ans. C'est désormais une jeune femme qui doit reprendre sa vie là où elle s'était arrêtée, c'est à dire au lycée. Seulement, le fossé avec ses camarades se creusent de jour en jour, pas seulement à cause de l'âge, mais également parce qu une série d'événements inexplicables la rend différente du lycéen lambda. Et du genre humain... Maintenant, Néa n'a plus qu'une idée en tête : retrouver la mémoire afin de comprendre ce qu'il lui arrive. 

Pourquoi ce livre ?

C'est aux Oniriques, il y a trois ans, que je me suis laissée tenter par ce roman sans jamais le sortir de ma pal jusqu'à ce que les éditeurs soldent les tomes 2 et 3, l'occasion enfin de le découvrir.

De quoi est-il question ?

A 15 ans, Néa est une ado dans toute sa splandeur : rebelle et contre toute forme d'autorité qu'elle soit parentale ou scolaire. Alors bien sûr quand elle a l'autorisation de faire une fête, soft, chez elle, c'est exactement le contraire qui se produit. Et si elle est privée de sortie ensuite, peu importe, elle fera le mur. Mais dans la forêt, elle s'évanouit.

Le lendemain, en s'éveillant, Néa sait qu'elle va passer un sale quart d'heure mais il faut bien rentrer jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle n'a pas disparu pendant 24h mais pendant 5 ans. Et si Néa doit faire face à la surprise de ses parents, à sa nouvelle vie, le pire reste qu'elle n'a aucun souvenir de ce qui lui est arrivé pendant cette période.

Reprendre une vie normale... Facile à dire ! Car Néa doit maintenant faire face à des camarades adolescents alors qu'elle est devenue jeune femme et à une compassion de plus en plus effacée de ses enseignants. Mais le pire est à venir, car bientôt Néa doit faire face à la mort inexpliquée de personnes qui l'entourent sans que nul ne sache expliquer pourquoi.

Du côté de la forme...

Cela faisait un bon moment que j'attendais de prendre enfin le temps de lire un roman de Jean Vigne, auteur incontournable de cette maison d'édition. Le bon moment est arrivée et je dois dire que je ne regrette pas du tout d'avoir un peu attendu pour mieux apprécier.

De base, Néa est le genre de personnage pour lesquels je suis mitigée. Car si j'apprécie les caractères forts et un peu pourris, j'ai toujours un peu de mal avec les ados rebelles qui ne veulent pas comprendre ce qu'on leut dit. Pour autant, là, ça marche. D'autant plus que Néa va naviguer entre son souvenir de comportement d'ado et son obligation de devenir une jeune femme trop vite. Pas mal.

Ce qui est assez original ici c'est que, sans le dire, l'auteur sait nous faire comprendre la réalité de l'état de Néa sans qu'elle-même n'en ait conscience. Un côté omniscient qui trouble et qui donne envie de plonger dans le roman pour aider le personnage. Et si, comme il se doit, l'étrangeté et le fantastique vont peu à peu faire leur trou, cela se fait avec beaucoup de finesse et de dextérité.

Il est vrai que nous sommes ici dans dans le premier tome d'une trilogie donc la mise en place du cadre et de l'intrigue sont assez conséquantes mais elles passent pour ainsi très bien parce qu'on y croit. D'ailleurs, si la mort est omniprésente, le roman ne sombre jamais dans le gore et dans le morbide ce qui fait plutôt du bien.

L'ambiance est très prenante et très efficace. Nous allons suivre Néa dans sa quête du souvenir et la suivre dans les épreuves qui s'apprêtent à se dresser devant elle. J'ai tout particulièrement apprécié le personnage de son "chauffeur" à chaque fois qu'elle se retrouve dans la forêt car il est entouré d'une aura de mystère, d'humour mais avec un caractère altruiste appréciable, jusqu'à en savoir plus.

J'ai découvert la plume de Jean Vigne avec ce roman et je dois dire que je suis très agréablement surprise. Il sait mêler les genres et impliquer son lecteur, le prendre par la main pour le mener vers un genre qui n'est pas toujours évident et conforter les habitués. Il sait aussi nous attacher à un personnage au caractère pas évident et nous donner envie de tourner les pages.

En conclusion... 

Voici un roman qui m'attendait depuis trop longtemps et qui, depuis que je l'ai lu, me donne juste envie de me plonger très vite dans la suite. Voici un roman original qui m'a sortie de ma zone de confort de lecture pour me faire découvrir un univers que j'ai beaucoup apprécié. Voici un roman à l'ambiance étrange auquel j'ai cru sans hésiter.
Les tomes 2 et 3 m'attendent désormais. J'ai hâte de les découvrir. 

L'ombre de Rose-May - Corinne Javelaud



Infos sur le livre

éditions : Calmann-Lévy
date de publication : 29-01-2020
pages : 336
prix : 19,50€

Résumé éditeur

Au milieu du XIXe siècle, dans une ferme du Limousin, la famille Ribéroux mène une vie sans histoire jusqu’au jour où la petite Rose-May, confiée à la responsabilité de son frère, Léonard, par ses parents, occupés aux travaux des champs, est mystérieusement enlevée. On a beau interroger tout le village, fouiller les environs, l’enfant reste introuvable et la disparition inexpliquée. Plusieurs années après, Léonard croit reconnaître sa soeur dans les traits d’une ouvrière porcelainière rencontrée lors d’une foire aux bestiaux. Mais l’inconnue se dérobe, le laissant à ses questions. Pour le jeune paysan, c’est le début d’une quête enfiévrée qui le mènera des manufactures de porcelaine de Limoges jusque sur les traces d’un forçat du bagne de Rochefort à la poursuite d’une bouleversante révélation.

Pourquoi ce livre ?

Merci aux éditions Calmann-Lévy grâce auxquelles j'ai pu découvrir ce nouveau roman d'une auteure que je suis depuis des années et que j'apprécie beaucoup.

De quoi est-il question ?

Nous voici dans un petit village de campagne du Limousin au XIX° siècle. Chez les Ribéroux, la vie est plutôt tranquille, rythmée par la vie des champs et des veillées. Le fils aîné, Léonard, est un bon garçon. Rose-May, la cadette, fait la fierté de ses parents. Et comme cela se fait souvent à l'époque, la garde de la petite est laissée à son frère tendis que les parents triment.

Mais un jour, sans que Léonard ne puisse rien n'y faire, voilà que sa jeune soeur est enlevée, presque sous ses yeux. La culpabilité est intense, la douleur terrible. Et il ne faut guère compter sur la police pour agir. Ces derniers sont même plutôt à même d'accuser les parents de négligeance pour masquer leur incapacité à agir.

Et si la vie doit reprendre, rien ne sera plus jamais pareil. Léonard grandit avec le souvenir de sa chère soeur et le poids de sa culpabilité avec le secret espoir, toujours, de la retrouver. Car, il en est certain, Rose-May est vivante, là, quelque part. Et lorsqu'à l'âge adulte il croit la reconnaître, le jeune homme se lancera dans une enquête toute personnelle pour enfin résoudre le mystère de sa vie.

Du côté de la forme...

Corinne Javelaud fait partie des auteures que j'aime suivre et qui sait toujours m'offrir de beaux moments de lecture et des personnages qui vous marquent. Je ne doutais donc pas qu'il en serait de même cette fois encore.

Si j'aime les romans de terroir, je dois bien avouer que le Limousin est une région que j'explore plus rarement et je dois dire que j'ai beaucoup aimé y faire un petit voyage avec ce roman. Car même si un cadre en vaut bien un autre, chaque campagne a ses particularités qu'il est bien appréciable de retrouver, d'autant quand il est question de "bourrées"...

Nous allons donc découvrir une famille sans histoire qui va vivre l'horreur absolue. Car si l'époque est contrainte d'accepter la mort des enfants en bas-âge, que dire lorsque l'enfant que vous chérissez plus que tout est enlevée ? Une thématique intemporelle qui fonctionne toujours mais qui gagne en émotion quand le cadre ne permet pas les techniques de recherche actuelles.

Il est vrai que c'est surtout Léonard que nous allons suivre dans ce roman : ses peurs, ses doutes, sa culpabilité d'enfant toujours bien présente une fois qu'il sera adulte. Et si l'ellipse temporelle est un peu brutale pour faire passer ce personnage de l'enfance à l'âge adulte, cela fonctionne et amène le lecteur vers d'autres questionnements.

Si nous sommes dans un roman régional, l'auteure s'occupe ici de nous embarquer dans une histoire de famille mais mêlée aux codes du roman d'enquête. Exercice auquel elle parvient plutôt bien avec des rebondissements que l'on ne voit pas venir et une fois, sans vous spoiler, inattendue et qui donne juste envie de tout relire pour avoir une autre vision de l'histoire.

Le style de Corinne Javelaud est un style plein de douceur et de force. Elle aime ses personnages et nous les fait aimer. Elle croit à son histoire et nous y fait croire. Elle sait amener une touche d'originalité à des thématiques déjà trop parcourues. Elle sait enfin nous surprendre mais sans ménager ses effets à outrance. Bravo !

En conclusion... 

J'avais hâte de lire ce roman et, comme je m'y attendais, j'ai passé un très agréable moment. J'ai aimé aller me balader en Limousin. J'ai aimé chercher à comprendre avec Léonard, j'ai un peu pleuré avec sa famille, je me suis laissée envoûtée par Rose-May qui, bien qu'étant la grande absente du roman, est un personnage d'une présence magistrale.
Un roman à découvrir pour tous les amateurs du genre ou de belles histoires de famille. 

Hansel et Gretel - Yvan Godbout



Infos sur le livre

éditions : ADA
date de publication : 09-07-2018
pages : 256
prix : 10€ (prix d'origine)

Résumé éditeur

 Une mère désespérée surprenant l'innommable dans le quatre pièces et demie miteux qu'elle partage avec son salaud et leur couple de jumeaux. Un frère et une sœur télépathes ayant sauvagement perdu leur innocence, avidement convoités par les serviteurs de Satan. Une adolescente rebelle à l'enfance éclatée servant de guide dans une métropole abritant anges et démons. Un prêtre et une sorcière cherchant à accomplir la plus ancienne des prophéties du Necronomicon. Deux enfants comprenant que si Dieu est une pure invention humaine permettant de vivre d'espoir, le diable lui, existe bel et bien. "Hansel et Gretel" était un conte pour enfants. Celui que vous découvrirez sous peu en est bien loin et risque de ternir à jamais votre part d'innocence. Êtes-vous réellement prêt pour cette balade dans les plus sombres abysses de l'âme humaine ? 

Pourquoi ce livre ?

C'est par hasard que j'avais trouvé ce roman chez Cultura et que je m'étais laissée tentée, le laissant d'un coin par la suite. J'ai attendu un peu puis récemment j'ai eu envie enfin envie de le lire.

De quoi est-il question ?

Jeannot et Margot sont des jumeaux de neuf ans ayant fait mauvaise pioche. Car là où la majorité des enfants coulent une vie heureuse, eux doivent faire entre un mère dépassée et un père qui n'hésite pas à les battre, à abuser d'eux, jour après jour, depuis des années. Jusqu'au jour où, Margot, décide de les défendre et attaque son père, le laissant pour mort.

Alice, la mère, décide alors de fuir avec ses enfants mais la peur est trop grande. Et si le salaud était encore en vie ? Et si la justice la séparait de ses petits parce qu'elle n'aura pas su les protéger ? Et cette peur grandissant va finalement les séparer, laissant les jumeaux livrés à eux-même avant que la véritable meurtre n'ait lieu.

Laissés seuls, les enfants pensent trouver refuge dans une maison religieuse auprès d'un prêtre et d'un nonne. Que craindre ? Les jumeaux ne comprendront que trop tard que ce couvent n'est autre que le repère d'adorateurs de Satan bien décidés à trouver leur nouveau messie. Et la télépathie entre les enfants n'y changera rien, ils seront séparer... pour le pire et le pire du pire...

Du côté de la forme...

Nul besoin de ressaser la polémique qui a tourné autour de ce roman et les épreuves vécues par l'auteur. Ce n'est pas là le sujet et je n'ai pas envie d'une chronique axée là-dessus. Ma chronique sera comme toutes les autres même si bien sûr on ne peut s'empêcher d'y penser.

Je dois avouer que dès les premières lignes l'auteur y va très fort : violences conjugales, inceste, crasse, meurtre avec l'hémoglobine qui va bien... Dès les premières pages l'angoisse est à son sommet avec Alice qui va découvrir l'innommable et l'action menée par cette famille pour enfin se libérer. Avec un tel début, on se demande comment l'auteur va pouvoir aller encore plus loin... Et pourtant !

Car de ces horreurs-là va en découler d'autres dont je ne vous parlerai pas trop pour ne pas vous spoiler. Simplement, la suite à rapport avec l'Eglise de Satan et alors comment ne pas se repasser des scènes de Rosmary's baby, en pire. Car il faut reconnaître que l'auteur a le souci de la description pour que le lecteur se sente au plus proche de l'horreur.

Si des sources d'espoir apparaissent de temps en temps, elles sont très vite mises caduc et cet espoir devient très vite source d'angoisse car le lecteur comprend que quelque chose d'autre va tomber. Ce qui trouble, bien sûr, c'est que les personnages soient des enfants et que tout paraisse si réel, mise à part la télékinésie entre Jeannot et Margot.

Et pourtant, malgré les horreurs qui s'enchaînent, malgré les personnages pour lesquels on se prend des envies de tuer, malgré toutes les crasses de la déviance qui semble réunies ici, il y a la relation entre les enfants qui fait du bien. Une relation entre un frère et une soeur qui tranche avec l'horreur pour souffler un peu... Mais pas pour longtemps...

Côté style, vous l'aurez compris, nous sommes dans un style sans nul autre pareil. Nous sommes dans un style qui implique le lecteur à tous points de vue et qui sait nous faire ressentir mille émotions. Mais surtout, ici, l'auteur parvient avec brio à nous faire retrouver le conte originel d'Hansel et Gretel ce qui est très plaisant car au plus proche du principe de la collection.

En conclusion... 

Voici un roman dont il est bien difficile de parler car tous les mots ne suffisent pas pour décrir ce que l'on ressent à la lecture. Voici un roman qui met les nerfs du lecteur à rude épreuve et qui ne mâche pas ses mots pour nous plonger dans l'horreur absolue avec une pointe de fantastique qui va bien, juste ce qu'il faut. Voici un roman qui change de tout ce que l'on connaît.
Autant dire que j'ai très très hâte de pouvoir découvrir la suite de ce roman qui m'attend dans ma pal. 

Enfin Libre - Asia Bibi

 

Infos sur le livre

éditions : Le Rocher
date de publication : 29-01-2020
pages : 216
prix : 17,90€

Résumé éditeur

« Je n'ai pas la mémoire des dates, mais il y a des jours qu'on n'oublie pas. Comme ce mercredi 9 juin 2010. Je suis arrivée, avant que le soleil ne se couche, pour la première fois au centre de détention de Shekhupura, où j'ai passé trois années avant de changer de prison comme on change de maison. » Dans la République islamique du Pakistan, la chrétienne Asia Bibi a été condamnée à mort pour avoir bu de l'eau dans un puits utilisé par les musulmans. Elle a passé neuf années en prison, neuf années à être humiliée et torturée pour avoir « blasphémé ». Voici le témoignage exclusif d'une simple mère de famille devenue le symbole mondial de la lutte contre l'extrémisme religieux. Mon histoire, vous la connaissez à travers les médias, vous avez peut-être essayé de vous mettre à ma place pour comprendre ma souffrance... Mais vous êtes loin de vous représenter mon quotidien, en prison, ou dans ma nouvelle vie et c'est pourquoi, dans ce livre, je vous dis tout.

Pourquoi ce livre ?

Merci aux éditions du Rocher grâce auxquelles j'ai pu découvrir ce témoignage bouleversant que j'espérais lire depuis tellement d'années...

De quoi est-il question ?

En juin 2010, Asia Bibi, une femme sans histoire, travaille aux champs pour ramener de quoi nourrir un peu sa famille. Mais il fait chaud, trop chaud, et Asia se dirige vers le puits le plus proche, prend une coupelle et boit jusqu'à ce ses compagnes de travail la voit. Asia est chrétienne, les autres femmes sont musulmanes. Dès lors, Asia est accusée de blasphème.

Sans autre forme de procès, elle est arrêtée et jetée en prison. Une prise sommaire où les gardiens lui mènent une vie rude. Etre accusée de blasphème vient de faire basculer la vie d'Asia Bibi dans l'horreur car la présomption d'innocence n'est qu'un doux mirage. Pourtant, très vite et malgré elle, Asia va devenir un symbole nationnal et internationnal des accusation arbitraires.

Anne-Isabelle Tollet, en effet, va avoir vent de son histoire et se lancer dans un combat de 10 ans pour la faire libérer. Remuant ciel et terre elle ne manquera pas de se mettre elle-même en danger et de soulever les nations pour faire entendre la voix de la petite paysanne pakistanaise jusqu'elle soit libérée et puisse, aujourd'hui, parler d'elle-même de son histoire.

Du côté de la forme...

Ce témoignage, je l'attendais. Depuis son annonce bien sûr mais aussi depuis que j'avais lu, en 2011, le livre d'Anne-Isabelle Tollet, Blasphème. Entendre la voix d'Asia Bibi était une chose que j'attendais et aujourd'hui, par bonheur, c'est chose faite.

Souvenez-vous... Aux tous débuts du blog je vous avais parlé de Blasphème et vous avais dit combien ce récit m'avait troublée. Etre condamné à mort pour un verre d'eau était pour moi un non sens et c'était peut-être là une des premières fois où je me rendais vraiment compte de l'horreur que certains peuvent vivre dans leur pays. Anne-Isabelle Tollet avait su m'impliquer.

Depuis, j'avais suivi de loin en loin l'histoire d'Asia Bibi mais pouvoir aujourd'hui découvrir son témoignage, sa voix, la manière dont elle a vécu toutes ces années est une chance infinie, à tous points vue. Car Asia Bibi nous parle de sa détention, des brimades, de ses peurs, de la vie derrière les murs. Et les silences sont lourds de sens.

Pourtant, si le témoignage balance entre émotion et factuel, ce qui me restera en mémoire c'est cette incroyable force de vivre qu'Asia Bibi démontre. Une force de vivre pour son mari, pour ses enfants mais avec un espoir qui vous trouble. D'ailleurs, si elle affirme elle-même être devenue craintive, jamais Asia Bibi ne sera devenue méchante et ça c'est une belle leçon de vie.

Car Asia Bibi profite de ce témoignage pour raconter ce que c'est que d'être chrétien au Pakistan, pour raconter le destin d'hommes et de femmes qui n'ont pas eu autant de chance qu'elle. Dans sa souffrance elle pense aux autres et ça c'est beau. Elle en profite pour nous parler de son pays et de l'amour qu'elle a pour ce dernier malgré tout. Une belle leçon d'amour.

Nous sommes bien sûr dans un style très journalistique car c'est la patte d'Anne-Isabelle Tollet qui, une fois encore, sert la parole d'Asia Bibi. Mais il ne pouvait en être autrement et cela fonctionne très bien car le langage parfois oral du témoignage est respecté. La chronoogie l'est également mais les ellipses en disent long. Tout cela pour servir un texte important à ne pas oublier.

En conclusion... 

L'histoire d'Asia Bibi a fait le tour du monde, chacun y glissant son mot. Mais pour la première fois c'est sa voix à elle que l'on entend pour cet ouvrage et c'est ce qui en fait une pépite. Car il ne faut pas oublier que ce témoignage aurait pu ne jamais existé car Asia aurait pu ne jamais sortir de sa prison. Alors maintenant, ce témoignage doit être lu de tous pour faire changer les choses et se souvenir.
Une pépite d'espoir et d'histoire qui doit être connue de tous ! 

Quintland - Fred DuPouy

 

Infos sur le livre

éditions : Syros
date de publication : 02-05-2019
pages : 249
prix : 15,95€

Résumé éditeur

Cinq enfants, un seul destin. Quintland. Quintland a tout d'un parc de loisirs. Les touristes s'y bousculent, on s'y rend en famille ou lors d'une excursion scolaire, plusieurs visites par jour sont organisées. Mais à Quintland, vous ne trouverez qu'une seule et unique attraction. Ce sont cinq petites filles que l'on peut regarder vivre derrière une vitre sans tain. Cinq petites filles isolées, surmédiatisées, éloignées de leurs parents. Elles sont les premières quintuplées de l'histoire à avoir survécu. C'était au Canada, en 1934. Quintland, le " Pays des Quintuplées ", a existé pour de vrai.

Pourquoi ce livre ?

C'est lors du dernier salon de Montreuil que je me suis laissée tenter par ce roman à la thématique si terrible chez un éditeur que j'apprécie beaucoup.

De quoi est-il question ?

Nous sommes en 1934 au Canada. Dans un petit village sans histoire, à une époque où de nombreux enfants mourraient encore en bas-âge, l'impensable va être réaliser : parvenir à faire survivre cinq fillettes nées en même temps de la même mère : des quintuplées. Elles sont les premières de l'Histoire et tout sera mis en oeuvre pour en faire un modèle.

Car à peine nées, les cinq fillettes deviennent l'objet de toutes les attentions, un état entretenu avec soin par l'Etat et par le personnel médical s'occupant des fillettes. D'autant qu'il faut de l'argent pour les nourrir, les soigner, les élever. Ainsi va naître "Quintland" une sorte de parc d'attraction où, deux fois par jour, se masseront des touristes voulant voir les fillettes.

Ainsi grandiront les cinq petites qui appartiendront plus à la science et au pays qu'à elles-mêmes, éloignées de leurs parents et de leur famille. Car les fillettes passionnent et en particulier Alice, une adolescente, qui là où chacun veut voir un être à cinq têtes s'attachent à reconnaître les quintuplées individuellement.

Du côté de la forme...

 Lorsque j'ai découvert ce roman à Montreuil en présence de l'auteur, je l'avoue, j'ai tout d'abord un peu hésité. Et puis, le lendemain, je me suis laissée tenter, trop troublée par cette histoire d'exposition de fillettes dans un temps pas si reculé.

Nous sommes en effet dans les années 30 au Canada et la première chose à noter est que l'auteur s'attache à nous présenter et le lieu et l'époque pour bien nous faire comprendre dans quel contexte on se trouve. De quoi en apprendre un peu plus sur l'Histoire dans un autre coin du monde et laisser entendre aux jeunes que la médecine de l'époque n'était pas celle d'aujourd'hui.

Au milieu de tout cela, nous allons donc assister à la naissance de quintuplées et il est bien difficile d'imagine la souffrance de la mère, une souffrance qui ne sera rien à côté de celle que provoquera la séparation. Et si les parents ne sont que guère présents dans ce roman, on se met aisément à leur place en comprenant leur douleur de ne plus être parents de leurs propres filles.

Il est terrible d'imaginer que l'homme puisse être ainsi : prêt à exhiber des fillettes comme des animaux aux yeux d'un public toujours insatisfait qui s'estime propriétaire de tout. De quoi être dégoûté de l'âme humaine et pourtant tellement réel. C'est ainsi que nous allons voir grandir les fillettes, les voir évoluer et tenter d'imaginer ce que pu être leur vie.

Et au milieu de tout cela, il y a Alice. Alice est un personnage fictif mais ô combien elle m'a touchée par sa bonté et sa capacité à avoir une vision bien plus moderne des choses. Sa curiosité est là, certes, mais ce qu'elle veut surtout c'est s'imaginer les jumelles heureures comme de vraies petites filles et elle s'en donnera les moyens...

J'avais découvert la plume de l'auteur avec Flopsy le lapin méchant et il est bien évident que nous sommes là dans quelque chose de totalement différent. Moins d'humour, plus d'émotion. Moins d'imagination, plus de réalité. Ainsi, c'est une écriture plus didactique qu'il nous offre ici ce qui n'est pas plus mal et nous permet de découvrir une histoire vraie mais dans une fluidité certaine.

En conclusion... 

Voici un roman qui m'intriguait beaucoup et que je suis ravie d'avoir enfin pu lire même si j'en ressors avec l'exact sentiment que j'imaginais : un mélange d'intérêt pour cette histoire, d'empathie pour ces fillettes et de dégoût de ce qui leur a été imposé. Ce roman est le genre de romans importants pour comprendre les erreurs du passé qui nous ont mené à notre présent, bon ou moins bon.
Un roman à mettre entre toutes les mains pour connaître un auteur et une histoire terrible.