Antonin Malroux fait partie de ces auteurs que je suis depuis de nombreuses années et dont chaque nouveau roman est un pure moment de plaisir livresque. De fait, lorsque j'ai vu dans le programme des éditions Calmann-Lévy, que j'en profite pour remercier ici, l'annonce de cette nouvelle publication, je n'ai pas hésiter une seconde.
Nous voici donc partis au coeur du Cantal, en Auvergne, région chère à l'auteur d'où il est originaire, au début des années 1910. L'auteur nous plonge dans le quotidien d'une ferme où seuls les travaux des champs et le soin des troupeaux comptent. Dans cette ferme, vivent les parents, les Gravierse, et leurs deux fils ainsi que Pascaline qui, trop tôt orpheline, a été recueillie par le couple qui la considère davantage comme leur fille que comme leur employée.
Et si la vie est rude, à l'image même de ce qu'elle était à l'époque, si les moments de plaisir sont rares, la vie y coule paisiblement. Ce bonheur est pourtant bouleversé lorsque le fils aîné, sans que l'on n'en sache véritablement la raison, décide de tout quitter et de partir faire sa vie ailleurs. La peine, la colère sont immenses mais il faut continuer. C'est ainsi que Jules, le cadet, finira par épouser Pascaline, une manière de préserver la propriété de la ferme.
Avec ce cadre, l'auteur sait nous présenter une région qui lui tient à coeur et qu'il connaît mieux que personne. Il nous plonge dans une époque révolue et pourtant pas si lointaine tout en nous montrant que les orphelines, parfois mal vues, pouvaient aussi espérer une vie sereine.
La guerre de 1914 va faire basculer cet équilibre avec la mort du le front de Jules, un désespoir pour Pascaline et pour les parents du jeune homme. Dès, lors, Pascaline est plus que jamais considérée comme la fille restante. Et parce qu'il faut bien que la vie de la ferme continue, c'est Victor, jeune homme au léger handicap physique lui épargnant le départ pour la guerre, qui viendra travailler aux champs. L'occasion pour lui de se rapprocher de Pascaline qui ne lui est pas insensible, un sentiment qui s'avérera réciproque.
On aura tendance à penser : encore un roman du genre. Il est vrai que dans le genre du terroir, la vie à la ferme couplée aux horreurs de la guerre (l'une ou l'autre) et un grand classique dont on a tendance à se lasser. Pourtant, il est parfois plaisant de retrouver les "classiques" de genre, une histoire simple et profonde à la fois qui nous propulse dans un autre temps. Et d'ailleurs, au-delà du décès de Jules, la guerre est loin d'être omniprésente ici.
En réalité, c'est plus un quotidien pas toujours facile mais loin de toute politique qui nous est présenté ici et d'ailleurs suivant sans doute au plus près la réalité de l'époque.
A la fin de la guerre, il faut reprendre une vie la plus normale possible. Mais c'est alors que Fernand, le fils aîné, revient au pays. Un retour qui pourrait bien mettre à mal les projets de la famille et la tranquillité si ardemment voulue à la ferme et au village... Une façon pour l'auteur de mettre en avant les mentalité étriquées de l'époque et les idées préconçues sur les individus étrangers au village.
Mais surtout, ce roman est là pour présenter les dilemmes des familles souhaitant préserver les patrimoines face à l'histoire mais aussi face à une certaine modernité de ceux qui ne veulent pas de ce carcan. Un dilemme intérieur qui ne nous laisse pas insensible. Et tout ça sous le regard d'un arbre, le fameux "académicien de juillet" qui, tel un personnage à part entière, sert d'union entre les êtres et de force entre le passé, le présent et l'avenir.
Un très bel opus que l'auteur nous offre ici, un opus qui fait du bien et qui, une fois encore, nous ravit par toute la poésie que l'auteur sait mettre dans les mots.