Quais du Polar 2022... Une autrice, Nathalie Achard, présentant son premier roman. Une modeste pile d'exemplaires modeste aux côtés des mastodontes du salon. Je m'approche et là, la dame prononce le mot qui fait mouche à chaque fois avec mois en terme de polars/thriller : "huis-clos".
Nouvelle autrice + premier roman... Peu de suspens pour la suite... Je suis repartie avec le livre dans ma valise déjà bien remplie.
Quand on approche la cinquantaine, que reste-t-il de nos jeunes années et de nos amitiés de jeunesse ? Ok, je ne suis pas concernée, faut pas abuser, mais à l'aube de la trentaine la question n'est guère différente car de nos amis collège/lycée/faculté, il ne reste finalement plus grand-chose. De fait, un groupe d'amis s'étant connu à la fac et étant toujours en relation près de 25 ans plus tard, voilà qui a de quoi faire rêver... et l'idée d'un weekend pour retrouver cette époque perdue est plutôt émouvante. Mais le rêve va très vite tourner au cauchemar.
Dès le départ, l'ambivalence entre le caractère joyeux de l'idée et les tensions omniprésentes entre les personnages a de quoi poser question et faire douter le lecteur. Entre le retard des uns et la condescendance des autres, entre les mères de famille craignant de laisser leurs enfants et les célibataires sans contraintes... sans oublier cet étrange trio "mari - femme - ex femme" qui semble immédiatement sonner l'alerte de malêtre. Bref, des relations anciennes mais qui imposent un doute avec des personnages qui passent plus de temps à se hurler dessus qu'à passer du bon temps ensemble.
Alors quand à ces tensions déjà palpables s'ajoutent le huis-clos d'une maison perdue au milieu de nulle part sans internet ni téléphone, le lecteur sait que le weekend ne pourra que mal se passer et la seule vraie question sera de comprendre d'où vient la menace car l'autrice sait jouer avec nos nerfs pour nous laisser imaginer de multiples possibilités. D'autant qu'à chaque fois que l'on croit mettre le doigt dessus, un rebondissement redistribue les cartes pour une montée crescendo de l'angoisse jusqu'à l'explosion finale qui, bien que répondant aux codes du genres, fonctionne diablement bien.
Prenez six personnes aux caractères très différents, aux priorités différentes et aux vies opposées. Cloîtrez-les dans une maison pour un weekend. Secouez bien et regardez ce qui se passe. De simples retrouvailles basculeront très vite dans le roman social où l'empathie du lecteur sera mise à rude épreuve. Car si chacun saura s'identifier à l'un ou à l'autre des protagonistes de l'histoire, saura-t-il comprendre les autres et même s'identifier juste assez pour comprendre chacune des réactions ?
Plus qu'un thriller, ce roman est un questionnement sur l'amitié et sur les relations humaines. Ces gens que nous avons toujours connu et dont la vie a évolué en parallèle de la nôtre sont-ils réellement nos amis ou ne sont-ils qu'une sécurité à notre besoin d'humanité ? L'amitié sur le long terme existe-t-elle réellement ou n'est-elle qu'une excuse pour ne pas perdre notre jeunesse ? Les relations que nous entretenons avec tant de soin et tant de rage sont-elles réellement celles qu'il nous faut pour subvenir à nos besoins et pour mener la vie qu'on mérite ?
Alors, pour le thriller lui-même, certes, l'autrice joue dans ce premier roman avec des codes connus du genre avec lesquels il est difficile de se "faire avoir". Pourtant, elle y parvient toutefois grâce à sa patte professionnelle liée à la question du social plus qu'à l'intrigue elle-même. Et si le lecteur averti comprend assez tôt de quoi il retourne, comment imaginer le cauchemar qui ne cessera d'évoluer au fil des pages et du weekend ?
Un roman prenant qui sonde l'âme humaine et qui nous propulse face à nous-mêmes.
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