mercredi 19 avril 2017

Interview - Emmanuel Prost pour "Kamel Léon"

Suite à ma lecture de Kamel Léon de Emmanuel Prost publié aux éditions Aconitum, j'ai eu la chance de pouvoir interviewer l'auteur. Une belle opportunité pour vous de vous laisser convaincre pour découvrir ce roman !

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- Comment as-tu eu l'idée de ce roman ?

Ce roman, j’en ai eu l’idée il y a très longtemps. Je devais être encore adolescent et venais de finir la lecture du roman de Marcel Aymé, « La Belle Image ». C’est l’histoire d’un type bourru et disgracieux qui se réveille un matin avec le physique d’un jeune premier. Ça m’a beaucoup plu et je me suis dit : « Voilà le genre d’histoire que j’aimerais raconter ». Mais je voulais aller plus loin. J’ai donc extrapolé et me suis demandé ce que moi je ferais si j’avais soudain un don qui me permettait de devenir physiquement celui ou celle que je voulais, personnalité ou anonyme, vieillard ou enfant, rien que par le pouvoir de la pensée. Et j’ai alors inventé un personnage qui se retrouvait avec ce don et je me le suis imaginé vivant tout un tas d’aventures. J’en ai eu pendant très longtemps l’idée, mais il m’a fallu plusieurs années avant de me décider à en écrire ne serait-ce que la première mouture.


- Tu développes beaucoup ici les thématiques et de l'ambition et des rêves professionnels pas toujours facilement accessibles...

Oui, l’idée était d’offrir aux lecteurs une histoire qui les fasse rêver et leur permette de s’identifier au personnage pour, avec lui, atteindre l’inaccessible. Une histoire où l’impossible devient donc possible. Où nous ne pouvons faire autrement que souhaiter pouvoir avoir ne serait-ce qu’un instant le même don que le héros. Mais l’ambition est comme toute chose dans la vie. En abuser peut apporter tout à fait l’opposé de l’effet escompté. Oscar Wilde que je cite en préambule à ce roman avait parfaitement résumé la situation en écrivant dans Un mari idéal : « Quand les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières ».  

- Comment as-tu travaillé tes personnages et les relations entre eux ?

Ce roman est très clairement pour moi le roman de la spontanéité. Il est donc très certainement aussi quelque peu naïf, mais je l’assume. C’est un roman de jeunesse, et la jeunesse implique spontanéité et naïveté. Et même si je l’ai retravaillé à un âge plus mûr, j’ai tenu à ce qu’il conserve une partie de ses défauts, pour rester en phase avec les intentions qu’étaient les miennes à l’époque où cette histoire a germé dans mon cerveau. Donc qui dit spontanéité dit que je n’ai absolument pas « travaillé » mes personnages en amont. Je me suis laissé guidé par l’écriture, par ce que j’avais envie de raconter, et les personnages ont pris vie par eux-mêmes. Ce sont eux qui se sont imposés à moi après que je les aie « lancés ».    

- Pourquoi cette ambivalence entre la recherche d'une carrière pour Kamel et une fin de carrière pour Irénée ?

Tout simplement parce que l’actrice Irénée fait partie des rêves et fantasmes de Kamel. Et que pour avoir ce statut, il lui faut avoir déjà fait carrière. Il faut qu’elle ait été au firmament pour susciter chez Kamel l’envie d’un jour la rejoindre. Et le fait que Kamel, quand il fait enfin sa rencontre, la découvre sur le déclin est bien évidemment une combine narrative pour que lui puisse se positionner en sauveur et que je m’autorise au moins à tenter d’en faire le héros qu’il a toujours rêvé d’être. 


- Tu proposes également là un roman au ton très humoristique mêlé d'un peu de fantastique...

Oui, parce que le fantastique, c’est vraiment l’univers qui a su donner l’envie à l’adolescent que j’étais de se mettre lui aussi à raconter des histoires. Mes premières envie d’écriture, je les dois à des programmes télé comme La Quatrième Dimension, Les Contes de la Crypte ou aux romans de Stephen King. Et je voulais avant tout qu’en me lisant le lecteur s’amuse. J’ai donc essayé de rendre tout cela le plus humoristique possible.

- Et puis, le roman bascule peu à peu vers le roman noir... Comment as-tu mélangé les genres ?

Je n’étais pendant très longtemps pas conscient d’avoir ainsi mélangé les genres. Mais au final, ça me va très bien. Car je me considère aujourd’hui comme un romancier, un raconteur d’histoires, aussi diverses puissent-elles être. Donc si ce mélange des genres empêche les lecteurs de me coller une étiquette, tant mieux. Alors oui, ça bascule un peu sur la fin vers le roman noir. Parce que la vie d’un individu ne peut pas être faite que de faste et de rires. Et puis c’est très certainement ce surprenant cocktail qui fait de mon Kamel Léon un roman si atypique.  

- Sans trop en dire, la fin reste ouverte. Avais-tu anticipé la fin de ce roman et as-tu prévu une suite à ce roman ?

Oui, cette fin je la voulais dès le début. Mais très honnêtement, je n’ai jusqu’à aujourd’hui jamais envisagé une seconde d’en faire une suite. J’aime l’idée que chacun de mes romans soient des pièces uniques, totalement indépendantes les unes des autres, sans suite. C’est peut-être parfois un peu frustrant pour le lecteur, mais je préfère le laisser avec l’envie d’en savoir plus plutôt que me laisser aller à une certaine redondance et risquer de le lasser. Mais je n’exclus rien. Et surtout ne m’interdis à rien. Dans l’écriture, je me laisse aller au gré de mes envies. Et mes envies d’aujourd’hui ne sont très certainement pas celles de demain. Donc…  

- Bien que publié en dernier ce roman est le premier que tu as écrit, pourquoi avoir changé aussi radicalement de genre entre celui-ci et "La descente des anges" ?

Kamel Léon appartient à une époque où j’écrivais sans aucune prétention, juste pour tenter d’épater ma femme, mes filles et mon entourage familial.
La descente des Anges (avec la Catastrophe des Mines de Courrières pour axe narratif) résulte de nombreuses lectures sur l’histoire locale de la ville où je suis venu m’installer (dans le Pas-de-Calais, avec ses corons, son histoire minière, etc.) dans les années 90. Je pensais au départ vraiment en faire un récit fantastique (comme tout ce que je faisais à l’époque, cf. mon recueil de nouvelles Concerto sur le Sornin) en développant des personnages d’aujourd’hui qui auraient découvert une faille temporelle leur permettant de se retrouver le 10 mars 1906, le jour de la catastrophe. Mais plus je me documentais sur le sujet, plus je trouvais qu’inclure un tel tragique événement à un récit de fiction n’autorisait aucune légèreté (ne serait-ce que par respect pour les 1099 victimes de la catastrophe). J’ai alors eu un déclic et me suis lancé le challenge d’écrire cette fois pour être publié. Que si j’écrivais un livre dans ma vie, un seul, ce serait celui-là. J’y ai donc travaillé avec acharnement. Avec cœur. Ai pris le temps d’être suffisamment mûr dans mon écriture pour être légitime sur un projet d’une telle ampleur. Ce travail a représenté 19 ans de ma vie. 19 ans du jour où j’en ai eu l’idée à sa parution en librairie en mai 2014.  

- Par ce roman, on te découvre d'ailleurs un style très différent...

Oui forcément, ma réponse à ta précédente question t’apporte aussi la réponse à celle-ci. L’intention n’était pas la même. Donc l’écriture non plus. Mais ceux qui connaissent très bien mon style, ma façon de les embarquer dans ces histoires faites de gens ordinaires, ne semblent pas si déstabilisés que cela par la différence des univers. C’est leur approche qui est différente. Ils regardent avec méfiance ce Kamel Léon que je leur propose-là, se disent parfois que ce n’est pas pour eux, mais dès qu’ils ont l’audace de franchir le pas et de plonger dans les pages de ce roman atypique, je me rends compte que très vite, la magie opère. 

- Merci beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je te laisse le mot de la fin...

Merci à toi de m’avoir invité à répondre à toutes ces questions. J’ai envie d’ajouter que quels que soient les univers dans lesquels je plonge mes personnages, je m’efforce toujours d’écrire des romans d’ambiance, d’offrir des récits dans lesquels je veux que les lecteurs se sentent bien. Des Feel good books, disent les Anglo-saxons. J’ai aujourd’hui le sentiment, par les retours de lecture que vous tous, lecteurs et lectrices, me faîtes chaque jour, d’y être quelque peu parvenu. Et ça, ça reste pour moi la plus belle des récompenses.
Et puisque tu me demandes le mot de la fin, je terminerai justement en disant que ce mot « fin », de vilaines circonstances financières veulent l’associer aux éditions Fleur Sauvage et Aconitum. David Lecomte, à la tête de ces deux maisons d’édition est celui qui a permis au Kamel Léon que tu chroniques-là d’enfin connaître une VRAIE publication. Parce que David est audacieux. Enthousiaste. Et un éditeur absolument fabuleux qui a su développer un catalogue de grande qualité. Lui interdire de continuer l’aventure me paraît tout simplement une intolérable injustice. Il a besoin de notre aide à tous. Alors réagissons, ensemble. Pour que perdurent les rêves. Les siens, les nôtres, mais aussi les vôtres, amoureux de belles lectures.

Pour plus d’infos : https://fr.ulule.com/sauver-les-editions-fleur-sauvage/
#fleursauvagenefanerapas

1 commentaire:

  1. Voilà qui donne d'autant plus envie de découvrir ce roman dont tu as su si bien nous parler !

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