mercredi 30 janvier 2019

Kraï Goulag - Patrick Miramand



Infos sur le livre

éditions : Bookelis
date de publication : 03-07-2018
pages : 111
prix : 19€

Résumé éditeur

1952 - Petrov, prisonnier au titre de l'article 58 dans un camp du goulag soviétique, profite d'une opportunité pour s'évader de cet enfer. Il tente de traverser seul la Sibérie, en suivant la rivière Tungusska, afin d'atteindre le lac Baïkal, où il s'est donné une mission à accomplir. Il rencontre dans son périple des personnages solitaires, retranchés ou errants dans la taïga, et affronte une nature aussi belle qu'hostile. Arrivera-t-il au bout du chemin ? 

Pourquoi ce livre ?

Merci à l'auteur grâce à qui j'ai pu découvrir cette bande-dessinée à côté de laquelle je serais très certainement passée sans sa confiance à m'en proposer la lecture.

De quoi est-il question ?

Nous sommes en 1952, en plein coeur de la Sibérie centrale. Petrov est zek, un prisonnier du goulag, camp 502. Ses journées sont rythmées par le travail harassant imposé par les autorités, les repas infâmes, les cris, le froid... Tout ça mais aussi l'amitié qui a émergé entre les prisonniers et qui leur permet de garder la tête haute.

Mais régulièrement, des hommes meurent. Terrassés par la faim, le froid ou assassinés pour ne pas avoir su obéir aux règles. Dimitri était de ceux-là, ne laissant derrière lui qu'une vieille photo d'une très belle jeune femme et quelques effets personnels. Touché par la photo, Petrov va se donner la mission de retrouver la jeune et de lui raconter le destin tragique de Dimitri.

Alors profitant d'un travail à l'extérieur et d'une mission un peu particulière, Petrov saisit sa chance et s'évade. Commence pour lui un long voyage au coeur de la taïga où il devra confronter tout son être à un monde reculé de toute civilisation, dans une température glaciale, se confrontant à des animaux sauvages mais aussi à la beauté de la liberté jusqu'à ce que des rencontres rythment sa route.

Du côté de la forme...

Pour parler du genre de la bande-dessinée, parler plus précisément de roman graphique est un phénomène de plus en plus courant. Et s'il est parfois difficile de distinguer de manière claire l'un de l'autre, avec ce titre-ci, ce terme prend tout son sens.

Même si nous en avons forcément entendu parler à un moment ou à un autre, force est de constater que l'univers du goulag soviétique et des grandes étendues sibériennes nous restent souvent très abstraits. C'est donc avec véritable travail de documentation que l'auteur nous en propose ici un paysage qui fait froid dans le dos, au propre comme au figuré.

Au sein de ce cadre exceptionnel tant au niveau historique qu'au niveau graphique, le lecteur se laisse très vite prendre. L'univers représenté l'englobe dans une sorte de tourbillon qui lui donne le sentiment d'évoluer avec Petrov. Petrov, un personnage bien mystérieux au début de l'ouvrage mais qui peu à peu va se révéler et devenir à la fois attachant et porteur d'une force morale incroyable.

Certes, il serait aisé de penser que suivre un évadé dans des paysages enneigés durant des pages aurait un côté lassant avec des longueurs amenant à une lassitude tant de l'intrigue que du personnage mais il n'en est rien. Il n'en est rien car les longueurs servent l'état d'esprit de Petrov et l'auteur sait user de rebondissements pour alimenter l'intrigue. Bref, tout est réfléchi et ça marche.

De même, le lecteur va suivre un personnage dans une profonde solitude mais, de temps à autres, Petrov va faire des rencontres, des rencontres qui redonnent foi en l'humanité. Une humanité tellement en décalage avec la politique de l'époque... Car cette fiction si réaliste dresse en toile de fond, sans verser dans le pathos ni le plaidoyer politique, un historique des plus effrayants.

 Mais ce qui donne à voir cet ouvrage comme un fort roman graphique, c'est aussi une coalition entre une écriture et un trait graphique. Côté écriture, il s'agit pour l'auteur de mettre son lecteur dans l'esprit de Petrov, le laissant s'imprégner de ses peurs et de ses espoirs. Pour ce qui est du trait, les décors majestueux s'opposent à l'expression de lassitude que l'auteur sait faire monter chez Petrov.

En conclusion... 

Il est très facile, à l'heure actuelle, de passer à côté d'un très bel ouvrage, plus encore lorsque celui-ci est auto-édité. Et pourtant, ce roman graphique fait partie de ces titres qui mériteraient d'être connus par le plus grand nombre tant pour son cadre historique fort que pour son graphisme envoûtant dans un ensemble aussi majestueux que terrible.
Sans dévoiler la fin, celle-ci pourrait être un terme à cette histoire mais, dans le même temps, le lecteur n'est pas sans espérer une suite...

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